Le Secteur bancaire mexicain est soumis à un cadre réglementaire particulièrement restrictif lorsqu’il s’agit d’interagir avec les cryptomonnaies. En 2025, les institutions financières traditionnelles ne peuvent pas offrir de services liés aux actifs virtuels, alors même que le pays développe un projet de monnaie numérique de banque centrale (CBDC). Ce paradoxe crée un paysage où les innovations crypto se développent en marge du système bancaire officiel.
Le cadre législatif de base : la Fintech Law de 2018
Adoptée en 2018, la Fintech Law définit les «actifs virtuels» comme des représentations numériques de valeur utilisées comme moyen de paiement, sans toutefois les reconnaître comme monnaie légale. Cette loi crée trois piliers de supervision:
- CNBV (Commission nationale bancaire et valeurs mobilières) qui délivre les licences et assure le respect des exigences de capital.
- Banxico (Banque du Mexique) qui régule l’usage des actifs virtuels et veille à la conformité anti‑blanchiment.
- Le SHCP (Secrétariat des Finances publiques) qui supervise la fiscalité et les obligations AML.
Règle4/2019 de Banxico: le verrou principal
La règle 4/2019 de Banxico interdit aux banques et aux institutions fintech d’offrir directement des services de cryptomonnaie aux clients. Cela comprend:
- la garde d’actifs numériques,
- les échanges de crypto contre fiat,
- les transferts entre comptes de clients.
Conséquences pratiques pour les banques mexicaines
Face à cette interdiction, les banques adoptent trois stratégies majeures:
- Développement de solutions internes: quelques banques testent des capacités de paiement en monnaie numérique de Banxico, mais restent à l’étape pilote.
- Partenariats avec acteurs non‑bancaires: les plateformes de paiement électronique offrent des services de conversion crypto sans être soumises aux exigences de la règle 4/2019, tant qu’elles ne sont pas classées comme banques.
- Contournement via le marché gris: de nombreux fournisseurs de services de prêt crypto opèrent sans supervision directe, se reposant sur les dispositions de la loi anti‑blanchiment qui les obligent seulement à déclarer les transactions au SHCP.
Prêt et lending en crypto: un vide réglementaire
La Fintech Law ne traite pas explicitement le «prêt» en cryptomonnaie. Ainsi, les plateformes de lending opèrent dans un cadre gris: elles ne sont pas supervisées par la CNBV, mais elles doivent respecter les obligations AML du SHCP. En pratique, cela signifie:
- Identification des clients (KYC) obligatoire au-delà des seuils de transaction.
- Déclaration des activités suspectes aux autorités fiscales.
- Affichage de mentions «non régulé par les autorités financières» pour protéger les utilisateurs.
Taxation des cryptomonnaies au Mexique
Le Mexique n’a pas de législation fiscale spécifique aux crypto‑actifs. Les revenus provenant de la vente ou du trading de crypto sont traités comme des revenus de la vente de biens, selon le communiqué de l’Ombudsman fiscal de 2021. Les contribuables doivent donc déclarer leurs gains dans la catégorie «revenus divers» et payer l’impôt sur le revenu correspondant. La SHCP a publié le communiqué n°039 affirmant que les actifs virtuels sont des mécanismes de stockage et d’échange d’information électronique, sans valeur intrinsèque.
Le projet de CBDC: Project Agorá
Paradoxalement, Banxico avance rapidement sur son propre actif numérique. Le Project Agorá prévoit le lancement d’un peso numérique d’ici fin2025. L’objectif principal est d’accroître l’inclusion financière en offrant une alternative digitale aux populations non bancarisées. Contrairement aux cryptomonnaies privées, la CBDC sera émise, garantie et régulée par la banque centrale, ce qui garantit la stabilité monétaire tout en utilisant la technologie blockchain pour améliorer l’efficacité des paiements.
Comparaison des types de tokens non régulés au Mexique
| Type de token | Usage typique | Réglementation actuelle | Risques principaux |
|---|---|---|---|
| NFT | Œuvres d’art, objets de collection numériques | Aucun cadre spécifique; traité comme bien intangible | Volatilité du marché, contrefaçon, absence de protection juridique |
| Utility token | Accès à des services ou plateformes | Pas considéré comme titre de valeur; soumis à la Fintech Law uniquement si lié à un service financier | Perte d’accès si le projet échoue, risque de classification future comme security |
| Stablecoin | Réduction de la volatilité, paiements transfrontaliers | Aucun dispositif; parfois surveillé par Banxico au titre de la stabilité financière | Risque de rupture de la couverture fiat, supervision incertaine |
| Security token | Représente des actions, obligations ou droits de créance | Peut être classé comme titre de valeur et soumis aux règles de la CNBV | Obligations de reporting, exigences de capital, sanctions en cas de non‑conformité |
Conformité au cadre BaselIII pour les banques
En parallèle des restrictions crypto, le Mexique a adopté les normes BaselIII, imposant un ratio de fonds propres total de 10,5% (incluant le coussin de conservation). Les banques systémiquement importantes doivent détenir un supplément de 0,6% à 2,25% selon leur importance. Ces exigences renforcent la résilience du système bancaire, mais augmentent le coût du capital pour les projets à haut risque, y compris les éventuels investissements dans les actifs numériques.
Processus d’obtention d’une autorisation crypto
Lorsqu’une institution souhaite lancer une activité liée aux actifs virtuels, elle doit soumettre une demande à Banxico. Le délai légal est d’environ soixante jours ouvrés. Si Banxico ne répond pas dans ce créneau, la situation juridique reste floue, poussant les établissements à abandonner leurs projets ou à rester dans l’attente indéfinie. Cette incertitude décourage les initiatives internes et pousse les acteurs vers des solutions hors‑bancaires.
Ce que cela signifie pour les utilisateurs mexicains
Pour les particuliers, le message est clair: les services de cryptomonnaie proposés par les banques ne sont pas disponibles. Les options sûres restent les plateformes de paiement électroniques agréées qui offrent des services de conversion mais sans garantie de supervision bancaire. Les emprunteurs doivent être conscients des mentions de non‑régulation et prendre des mesures de précaution: diversification, contrôles d’identité rigoureux et suivi des obligations fiscales.
Perspectives d’évolution
Le gouvernement mexicain travaille sur un nouveau cadre fintech qui pourrait assouplir certaines restrictions, notamment autour des stablecoins et des services de paiement transfrontaux. Cependant, aucune date précise n’est annoncée. Le développement du Project Agorá pourrait créer un précédent: si la CBDC s’avère efficace, les autorités pourraient envisager une intégration contrôlée des cryptomonnaies privées, tout en maintenant un mur de protection pour la stabilité financière.
Foire aux questions
Les banques mexicaines peuvent‑elles détenir des cryptomonnaies pour leurs propres besoins?
Oui, mais uniquement à des fins internes et après autorisation explicite de Banxico. Aucun usage client n’est permis tant que la règle4/2019 reste en vigueur.
Quel est le traitement fiscal des gains en Bitcoin au Mexique?
Les gains sont traités comme des revenus de la vente de biens. Ils doivent être déclarés dans la section des revenus divers et sont soumis à l’impôt sur le revenu progressif.
Qu’est‑ce que le Project Agorá?
C’est le programme de Banxico visant à lancer une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) d’ici fin2025, destinée à favoriser l’inclusion financière et à moderniser les paiements.
Les stablecoins sont‑ils autorisés au Mexique?
Ils ne sont pas interdits, mais ils n’ont aucun cadre dédié. Les autorités les surveillent au regard de la stabilité financière et peuvent imposer des exigences si le risque devient majeur.
Comment un fintech peut‑il obtenir une licence pour offrir des services liés aux crypto‑actifs?
Il doit s’enregistrer auprès de la CNBV, satisfaire aux exigences AML du SHCP, et soumettre une demande d’autorisation à Banxico. Le processus complet dure environ soixante jours ouvrés, mais l’obtention dépend de l’accord de Banxico.
22 Commentaires
Les banques mexicaines se tirent la corde, c’est du grand n'importe quoi.
Il est évident que la restriction du secteur bancaire mexicain sur les cryptomonnaies n’est pas simplement une question de prudence financière, mais fait partie d’un agenda plus vaste visant à contrôler les flux monétaires numériques à l’échelle mondiale. Les autorités, sous la houlette de la CNBV et de Banxico, ont orchestré une législation qui laisse la place aux projets d’État comme le Project Agorá, tout en muselant les initiatives privées qui pourraient menacer leurs intérêts. Cette dualité crée un terrain fertile pour les forces occultes qui manipulent les politiques économiques depuis l’ombre. On ne peut ignorer le rôle des firmes multinationales qui pressent le gouvernement mexicain pour garantir que les stablecoins restent sous leur influence indirecte. De plus, la règle 4/2019 apparaît comme un verrou intentionnel, conçu pour empêcher toute forme d’innovation disruptive qui pourrait contourner les systèmes de surveillance traditionnels. Le fait que les licences soient quasi inexistantes n’est pas le résultat d’un manque de demande, mais d’un verrouillage bureaucratique délibéré. Certains analystes ont déjà relevé des corrélations entre les périodes où les bans crypto sont renforcés et les moments où les grandes banques internationales augmentent leurs parts de marché dans les pays émergents. Par ailleurs, la transparence prétendue des cadres AML ne suffit pas à couvrir les activités de blanchiment qui se cachent derrière les plateformes de lending non régulées. On observe également que les exigences de capital imposées par Basel III sont utilisées comme prétexte pour justifier le refus d’investir dans des projets à haut risque, comme les cryptomonnaies. Le projet de CBDC, quant à lui, ressemble davantage à un outil de surveillance de masse qu’à une véritable innovation monétaire. Les données de transaction pourront être centralisées, permettant aux autorités de suivre chaque mouvement financier des citoyens. Cette perspective rappelle les systèmes de crédit social déjà en place dans d’autres juridictions. En somme, ce n’est pas seulement une question de stabilité bancaire, mais bien d’un contrôle total de l’économie numérique. Les acteurs privés, en particulier les fintechs, se retrouvent piégés dans un labyrinthe réglementaire qui les empêche d’évoluer. Dès lors, il devient clair que les restrictions sont symptomatiques d’une stratégie globale de domination digitale.
Je vous remercie pour cette analyse détaillée, très complète, qui met en lumière les multiples facettes du cadre juridique mexicain ; il est essentiel de rappeler que la Fintech Law de 2018, bien qu’ambitieuse, laisse beaucoup de zones d’ombre ; par ailleurs, la collaboration entre CNBV, Banxico et SHCP, bien que coordonnée, peut parfois créer des redondances bureaucratiques ; néanmoins, il faut souligner les avancées du Project Agorá, qui, malgré les défis, représente une opportunité notable pour l’inclusion financière ; enfin, la vigilance demeure primordiale pour garantir la transparence des plateformes de lending.
La description des obligations AML et des exigences de capital est exacte ; cependant, il serait opportun d’ajouter que la déclaration des transactions suspectes aux autorités fiscales influe directement sur le risque de non-conformité pour les acteurs du marché gris.
Franchement, c’est fou comme les banques mexicaines se plantent, elles pourraient au moins profiter du boom crypto plutôt que de rester bloquées comme des dinosaures.
Je comprends le ressenti, mais il faut garder à l’esprit que les régulateurs cherchent surtout à protéger les consommateurs contre les arnaques potentielles.
Ce que l’on voit, c’est que les grands groupes bancaires, en collusion avec les autorités mexicaines, orchestrent un verrou sur les crypto afin de préserver leurs marges et leurs pouvoirs occultes.
Il est regrettable que les institutions locales subissent l’influence étrangère, pourtant la souveraineté financière du Mexique doit primer sur les intérêts globaux.
À l’inverse, l’on peut soutenir que la prudence réglementaire est justifiée, compte tenu des risques inhérents aux actifs numériques non subordonnés à une autorité centrale.
Les plateformes de lending se font passer pour des héros, alors qu’en réalité elles jouent à la roulette russe avec les économies des Mexicains.
Il est important de rappeler que, malgré les risques, certains services de prêt offrent des alternatives de financement lorsqu’ils sont utilisés avec prudence et transparence.
Mais faut pas non plus se voiler la face, les gros coups de bluff existent partout, même chez les soi-disant «sûrs».
En examinant la structure de la règle 4/2019, on remarque que les exigences de capital sont alignées avec les normes internationales, et que les processus d’obtention d’autorisation, qui peuvent durer jusqu’à soixante jours ouvrés, découragent souvent les initiatives innovantes ; il serait donc pertinent d’évaluer les impacts de ces délais sur la compétitivité du secteur fintech mexicain, notamment en comparaison avec les pays voisins où les cadres sont plus souples.
C’est une observation perspicace, cela montre bien que la rapidité administrative influence directement la capacité d’innovation.
Je tiens à souligner que, bien que le cadre réglementaire soit strict, il offre néanmoins une protection indispensable aux déposants et contribue à la stabilité du système financier national.
Cependant, il ne faut pas négliger que cette même stabilité peut freiner les projets disruptifs qui auraient pu dynamiser l’économie numérique.
L’interaction entre souveraineté monétaire et technologie décentralisée soulève des questions profondes sur la nature même de la confiance dans nos institutions.
Exactement c’est un défi qui demande collaboration entre régulateurs et innovateurs
On dirait que le Mexique vit un drame épique où les banques jouent les antagonistes d’une saga crypto qui peine à trouver son happy end.
lol c’est vrai les banques sont genre les vilains de l’histoire mais on verra bien comment ça se termine
Le vrai enjeu c’est le contrôle des données, les banques veulent tout suivre :)
Vous avez raison, il faut rester positif et encourager les initiatives qui promeuvent la transparence, la conformité et l’éducation financière, afin d’éviter les dérives et d’assurer un avenir sûr pour tous.