Comment les citoyens des pays sous sanctions accèdent aux échanges de crypto-monnaies

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Comment les citoyens des pays sous sanctions accèdent aux échanges de crypto-monnaies

Quand un pays est sous sanctions internationales, les banques traditionnelles ferment leurs portes. Les transferts d’argent deviennent impossibles. Les cartes bancaires ne fonctionnent plus à l’étranger. Pourtant, les gens ont toujours besoin d’acheter de la nourriture, de payer les factures, d’envoyer de l’argent à leur famille, ou simplement de protéger leur épargne contre l’inflation. C’est là que la crypto-monnaie entre en jeu - pas comme un luxe pour les technophiles, mais comme une survie quotidienne.

Les outils les plus utilisés : Bitcoin, Ethereum et les stablecoins

En 2025, 65 % des transactions liées aux pays sous sanctions passent par le Bitcoin. Pourquoi ? Parce qu’il est décentralisé, difficile à bloquer complètement, et accepté partout. L’Ethereum, lui, représente 18 % des échanges. Il n’est pas seulement une monnaie : c’est une plateforme. Les utilisateurs y déplacent des actifs via des contrats intelligents, contournant les systèmes bancaires traditionnels sans avoir besoin d’une interface centralisée.

Les stablecoins, surtout le DAI et le USDT, jouent un rôle crucial. Le USDT, émis par Tether, a longtemps été le roi des échanges dans les pays comme l’Iran et la Russie. Mais quand Tether a gelé 42 adresses liées à l’échange iranien Nobitex en juillet 2025, tout a changé. Les utilisateurs n’ont pas paniqué. Ils ont simplement switché vers le DAI, une stablecoin décentralisée, sur le réseau Polygon. Le DAI n’est pas contrôlé par une seule entreprise. Il est maintenu par des algorithmes et des garanties en crypto. Même si une plateforme est bloquée, le DAI reste accessible via des portefeuilles non-custodiaux comme MetaMask.

Comment contourner les blocages techniques ?

Les échanges de crypto comme Binance ou Kraken bloquent les adresses IP provenant de pays sous sanctions. Mais les gens utilisent des VPN, des proxy, et même des réseaux Tor pour masquer leur localisation. Ce n’est pas un secret : c’est une pratique courante. Certains utilisent des applications mobiles dérivées, comme MKAN Coin, une plateforme opérant depuis Dubaï via Telegram. Pas besoin de site web. Pas besoin de téléchargement. Juste un lien dans un message privé.

Les portefeuilles non-custodiaux sont la clé. Si vous gérez vos propres clés privées - et que personne d’autre n’y a accès - aucun gouvernement ni entreprise ne peut vous bloquer. Des applications comme Trust Wallet, Phantom ou Exodus permettent d’envoyer et recevoir des crypto-monnaies sans passer par un échange centralisé. Vous n’avez pas besoin d’un compte. Vous n’avez pas besoin de vérifier votre identité. Vous avez juste besoin d’un téléphone et d’une connexion internet.

Les échanges fantômes : Garantex et ses successeurs

Garantex, un échange russe, a été sanctionné par les États-Unis en 2022. En mars 2025, les services secrets américains, en coopération avec la police allemande et finlandaise, ont saisi son site web et gelé plus de 26 millions de dollars en crypto. On aurait pu penser que c’était la fin. Ce n’était que le début.

En quelques semaines, Garantex a réapparu sous le nom de Grinex. Les mêmes équipes, les mêmes clients, les mêmes adresses de dépôt. Et derrière Grinex ? Exved, une plateforme de paiement transfrontalier qui permet d’acheter des pièces détachées pour les équipements industriels - des biens à double usage - en Russie. Ces transactions sont masquées comme des achats légaux, mais elles servent à transférer de la valeur en crypto.

Les échanges comme Garantex ne sont plus des plateformes classiques. Ils sont devenus des systèmes de blanchiment décentralisés. Ils fonctionnent comme des chaînes de blocs humains : une personne reçoit des crypto, les échange contre des biens physiques, un autre les revend à l’étranger, et ainsi de suite. Rien n’est centralisé. Rien ne peut être arrêté d’un seul coup.

Un échange P2P de crypto en espèces dans un marché animé, avec une interface numérique flottante.

Les pays qui facilitent l’accès indirect

Les sanctions ne bloquent pas tout. Elles bloquent les institutions financières occidentales. Mais elles ne touchent pas les juridictions qui ne suivent pas les règles américaines. Singapour, par exemple, ne taxe pas les gains en crypto. 43 % des jeunes adultes y détiennent des actifs numériques. Dubaï, sous l’autorité de VARA, permet aux particuliers de détenir, trader et stocker des crypto sans payer un centime d’impôt. El Salvador a rendu le Bitcoin légal en 2021 - et depuis, les citoyens peuvent utiliser des applications comme Chivo pour convertir leurs crypto en dollars sans passer par une banque.

Les utilisateurs des pays sous sanctions n’ont pas besoin d’ouvrir un compte à Dubaï. Ils n’ont pas besoin de voyager. Ils utilisent des services de peer-to-peer. Sur des plateformes comme Paxful ou LocalBitcoins, ils trouvent des vendeurs dans des pays neutres - en Turquie, en Inde, en Afrique du Sud - qui acceptent des transferts bancaires locaux. Le vendeur envoie des Bitcoin, et l’acheteur reçoit des roubles, des rials ou des manats en espèces ou via des transferts mobiles. C’est un échange direct, hors système bancaire.

Les erreurs des échanges : ShapeShift et les failles de conformité

En 2025, ShapeShift, un échange suisse, a payé 750 000 dollars à l’OFAC pour avoir permis à des utilisateurs de Cuba, d’Iran, du Soudan et de Syrie d’accéder à sa plateforme. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait aucun programme de conformité aux sanctions. Il ne vérifiait pas les adresses IP. Il n’analysait pas les flux de fonds. Il a simplement laissé les gens faire ce qu’ils voulaient.

C’est une leçon pour les utilisateurs : les grands échanges ne sont pas fiables. Même ceux qui disent être « sécurisés » peuvent être piratés, bloqués, ou vendus. Ceux qui survivent sont ceux qui ne dépendent pas d’un tiers. Ceux qui gardent leurs clés. Ceux qui utilisent des protocoles ouverts.

Un réseau mondial de nœuds crypto reliés par des lumières brillantes, symbolisant la résilience décentralisée.

La réponse des gouvernements : taxation et contrôle

L’Iran n’a pas juste accepté la crypto. Il l’a réglementée. En août 2025, il a mis en place une loi sur l’impôt sur les gains spéculatifs. Les profits tirés du Bitcoin, de l’or, de l’immobilier ou des changes étrangers sont désormais taxés au même taux. C’est une tentative de contrôler ce qu’ils ne peuvent pas empêcher.

Les autorités savent qu’elles ne peuvent pas bloquer les transactions sur la blockchain. Alors elles essaient de les suivre. TRM Labs, une entreprise de traçage de crypto, a montré une baisse de 11 % des entrées de crypto en Iran au premier semestre 2025. Ce n’est pas une chute drastique - c’est une réduction. Les gens continuent d’entrer. Ils apprennent juste à être plus discrets.

Le futur : DeFi, mixers et une course aux armements

En janvier 2025, l’OFAC a sanctionné pour la première fois un protocole DeFi. C’était un pont de liquidité qui permettait d’échanger des crypto entre chaînes. Il a gelé 150 millions de dollars. Mais les utilisateurs ont simplement switché vers un autre protocole, plus petit, plus obscur, plus difficile à identifier.

Les mixers comme Tornado Cash - qui mélangent des fonds pour cacher leur origine - sont devenus des cibles majeures. Cinq actions en 2024 seulement. Mais les outils de mélange se sont améliorés. Certains utilisent des protocoles comme Blender.io ou Tornado Cash v3, qui fonctionnent sur des réseaux comme zkSync ou StarkNet, où la confidentialité est intégrée dans le code.

Les sanctions ne disparaîtront pas. Elles deviennent juste plus complexes. Les citoyens des pays sous sanctions ne sont pas des criminels. Ils sont des gens qui cherchent à survivre. Et chaque fois qu’une porte est fermée, ils en ouvrent une autre. Pas avec des armes. Avec des clés privées.

Comment commencer en toute sécurité ?

  • Utilisez un portefeuille non-custodial : MetaMask, Trust Wallet, ou Phantom.
  • Ne stockez jamais vos clés privées sur un téléphone ou un ordinateur connecté à Internet en permanence.
  • Apprenez à utiliser des exchanges P2P comme Paxful ou LocalCryptos.
  • Préférez le DAI au USDT si vous êtes en Iran, en Russie ou en Corée du Nord - il est plus résistant aux gel.
  • Utilisez un VPN fiable, mais ne comptez pas dessus comme seule protection.
  • Ne confiez jamais vos fonds à un échange qui vous demande une pièce d’identité.

Les échanges de crypto sont-ils bloqués dans les pays sous sanctions ?

Certains échanges centralisés comme Binance ou Kraken bloquent les accès depuis des pays sous sanctions. Mais ce n’est pas une barrière absolue. Les utilisateurs contournent ces blocages avec des VPN, des portefeuilles non-custodiaux, et des plateformes P2P. Ceux qui ne dépendent pas d’un tiers ont plus de chances de rester connectés.

Pourquoi le DAI est-il préféré au USDT dans les pays sous sanctions ?

Le USDT est émis par Tether, une entreprise basée aux États-Unis qui obéit aux sanctions de l’OFAC. Quand Tether gèle des adresses, les fonds sont perdus. Le DAI, en revanche, est décentralisé. Il est maintenu par des algorithmes et des garanties sur Ethereum et Polygon, sans contrôle central. Même si une plateforme est bloquée, le DAI reste accessible via n’importe quel portefeuille compatible.

Les gouvernements peuvent-ils bloquer complètement l’accès à la crypto ?

Non. La blockchain est décentralisée. Personne ne la possède. Même si un pays interdit l’achat de crypto, les gens peuvent toujours recevoir des transferts, utiliser des réseaux P2P, ou échanger contre des biens physiques. La seule façon de bloquer totalement l’accès serait d’interdire l’internet - ce qui est impossible dans un monde connecté.

Les VPN sont-ils suffisants pour accéder aux échanges ?

Les VPN aident à masquer votre emplacement, mais ils ne protègent pas contre les gel de comptes ou les restrictions de portefeuille. Si vous utilisez un échange centralisé, il peut encore bloquer votre compte si votre adresse de crypto est sur la liste des sanctions. Les VPN sont un outil, pas une solution. La vraie sécurité vient de la gestion de vos propres clés.

Quels sont les risques de cette méthode ?

Les risques incluent les arnaques P2P, les portefeuilles piratés, les fausses applications, et les transactions bloquées par les autorités. Il n’y a pas de garantie. Mais pour beaucoup, le risque de perdre leur épargne à cause de l’inflation ou des restrictions bancaires est bien plus grand. La crypto n’est pas sans danger - mais elle est souvent la seule option disponible.

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