Interdiction bancaire des transactions crypto en Arabie Saoudite : ce que ça change vraiment

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Interdiction bancaire des transactions crypto en Arabie Saoudite : ce que ça change vraiment

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En Arabie Saoudite, vous pouvez acheter du Bitcoin, échanger des altcoins et stocker des crypto-actifs sur votre portefeuille. Mais si vous essayez de transférer des riyals saoudiens vers une plateforme crypto via votre banque locale, vous allez vous heurter à un mur. Depuis 2018, les banques saoudiennes sont interdites de traiter toute transaction liée aux cryptomonnaies. Pas d’achat, pas de vente, pas même un dépôt. C’est une règle stricte, appliquée partout, du plus petit établissement jusqu’à la plus grande banque du pays.

Comment cette interdiction a-t-elle commencé ?

C’est en 2018 que l’Autorité monétaire saoudienne (SAMA) a publié sa première directive claire : aucune institution financière ne doit participer aux activités liées aux cryptomonnaies. Cette décision n’était pas une réaction à une crise, mais une prévention. Les autorités voulaient éviter que les citoyens ne perdent des milliards dans des actifs non régulés, sans protection légale, sans garantie, sans recours en cas de piratage ou de fraude.

En 2019, le ministère des Finances est venu renforcer le message : les cryptomonnaies ne sont pas reconnues comme monnaie légale. Elles ne sont pas contrôlées. Elles ne sont pas garanties. Et si vous perdez de l’argent, vous êtes seul responsable. Ce n’était pas une interdiction pour les particuliers - mais une barrière de fer entre le système bancaire traditionnel et le monde crypto.

Que se passe-t-il si vous voulez acheter du Bitcoin ?

Vous n’avez pas besoin d’une banque pour acheter des cryptos. Mais vous devez trouver un autre chemin. La plupart des Saoudiens utilisent des méthodes alternatives : transferts internationaux via des comptes à l’étranger, plateformes peer-to-peer comme LocalBitcoins ou Paxful, ou des services de paiement en ligne qui acceptent les cartes de crédit. Certains utilisent même des services de change en espèces, où un intermédiaire vous vend du Bitcoin en échange de riyals en cash.

Ces méthodes sont plus lentes, plus risquées, et souvent plus chères. Les frais de transaction peuvent doubler. Les délais peuvent durer plusieurs jours. Et il n’y a aucune protection si l’autre partie disparaît. Mais c’est le seul moyen pour la majorité des utilisateurs de contourner l’interdiction bancaire.

Le paradoxe : des milliards de transactions… sans banques

Malgré cette interdiction, l’Arabie Saoudite est l’un des marchés crypto les plus actifs au Moyen-Orient. En 2024, les transactions crypto ont dépassé 31 milliards de dollars en un an. Près de 4 millions de Saoudiens - soit 11,4 % de la population - possèdent des actifs numériques. Le marché est estimé à 23,1 milliards de dollars, et devrait atteindre 45,9 milliards d’ici 2033.

Comment est-ce possible ? Parce que les transactions ne passent pas par les banques. Les gros investisseurs utilisent des plateformes offshore, des sociétés de gestion d’actifs basées à Dubaï, ou des fonds privés qui opèrent hors du système bancaire saoudien. Les traders individuels se tournent vers des applications décentralisées, des portefeuilles non-custodiaux, et des réseaux de paiement alternatifs.

Le résultat ? Un marché crypto florissant… mais totalement isolé du système financier officiel.

Des jeunes Saoudiens effectuent un échange crypto en P2P dans un appartement, entourés d’écrans et de symboles numériques flottants.

Pourquoi le gouvernement continue-t-il d’interdire les banques ?

L’Arabie Saoudite ne veut pas bloquer la technologie. Elle veut la contrôler. Pendant que les banques sont interdites de traiter les cryptos, le gouvernement investit massivement dans la blockchain et les monnaies numériques de banque centrale (CBDC). En 2024, le pays a rejoint le projet mBridge, une initiative internationale avec la Chine, les Émirats, la Thaïlande et Hong Kong pour tester une monnaie numérique transfrontalière.

Cela signifie que le roi Salman et SAMA ne sont pas contre les monnaies numériques. Ils sont contre les cryptomonnaies décentralisées. Ils veulent une version contrôlée, tracée, surveillée - pas une version libre, anonyme et sans autorité centrale.

C’est une différence fondamentale. Leur objectif n’est pas d’empêcher l’innovation. C’est de l’absorber dans leur propre système.

Et la religion ? Le fatwa qui change tout

En 2023, un haut dignitaire religieux saoudien a publié un fatwa : l’utilisation de Bitcoin et d’autres cryptomonnaies est conforme à la charia. Ce n’est pas une simple opinion. C’est une décision juridique religieuse, reconnue par les tribunaux islamiques. Selon ce fatwa, les cryptomonnaies ne sont ni du jeu, ni de l’usure, ni de la spéculation interdite - tant qu’elles sont utilisées comme moyen d’échange légitime.

Cela crée un conflit profond : religieusement, les cryptos sont permises. Institutionnellement, elles sont bloquées. Pour de nombreux jeunes Saoudiens - 63 % de la population a moins de 30 ans - cette contradiction est difficile à comprendre. Pourquoi une chose est-elle autorisée par la religion, mais interdite par l’État ?

Ce déséquilibre ne peut pas durer éternellement. La pression sociale grandit. Les universités enseignent la blockchain. Les startups tech se développent. Les jeunes utilisent les cryptos comme un outil de liberté financière.

Les risques pour les entreprises et les investisseurs

Pour une entreprise crypto, opérer en Arabie Saoudite est un cauchemar administratif. Pas de compte bancaire local. Pas de paiement automatique des impôts. Pas de traçabilité officielle. Les entreprises doivent ouvrir des comptes à l’étranger, payer des comptables internationaux, et naviguer dans un labyrinthe de lois floues.

Les impôts ne sont pas clairs non plus. Pour les particuliers, pas de taxe sur les gains. Mais pour les entreprises, 15 % de taxe sur les plus-values, 20 % d’impôt sur les bénéfices, et 2,5 % de zakat. Sans compte bancaire, comment payer tout cela ? Beaucoup utilisent des intermédiaires, des sociétés offshore, ou des cryptos pour payer d’autres cryptos - ce qui rend la conformité quasi impossible.

L’Arabie Saoudite a aussi une loi anti-blanchiment (AML) de 2017. Elle ne mentionne pas les cryptos, mais elle définit les "fonds" comme tout actif numérique. Cela signifie que les autorités peuvent, en théorie, poursuivre des transactions crypto comme du blanchiment d’argent - même sans loi spécifique.

Un fatwa religieux flotte au-dessus d’un tribunal où un robot bancaire est démantelé par des drones blockchain, dans un style spirituel et cyberpunk.

Quel avenir pour les cryptos en Arabie Saoudite ?

Personne ne sait vraiment ce qui va arriver. Mais les signes sont clairs : le marché grandit malgré l’interdiction. La technologie s’impose. La jeunesse l’adopte. La religion l’accepte. Seule la banque reste fermée.

Les experts estiment qu’une réforme est inévitable. Mais pas avant 2028 ou 2030. Le gouvernement veut d’abord tester sa propre monnaie numérique. Il veut contrôler le flux de capitaux. Il veut s’assurer que les cryptos ne deviennent pas une menace pour la stabilité financière du royaume.

Pour l’instant, la règle reste la même : pas de banque. Pas de protection. Pas de légalité. Mais pas d’interdiction non plus. Les Saoudiens continuent d’acheter, d’échanger, d’investir - en dehors du système. Et ils le font de plus en plus nombreux.

Que faire si vous êtes un particulier en Arabie Saoudite ?

Si vous voulez posséder des cryptos :

  • Ne comptez pas sur votre banque locale - elle ne vous aidera pas.
  • Utilisez des plateformes internationales comme Binance, Kraken ou Bybit - elles acceptent les paiements par carte ou virement international.
  • Évitez les échanges en espèces ou les transactions P2P non vérifiées - les risques de fraude sont élevés.
  • Stockez vos actifs dans un portefeuille personnel (hardware ou logiciel), jamais sur une plateforme.
  • Conservez tous vos relevés de transaction - même si les impôts ne sont pas encore exigés, cela pourrait changer.

Et si vous êtes une entreprise ?

Si vous voulez opérer dans le secteur crypto :

  • Ne cherchez pas de compte bancaire en Arabie Saoudite - c’est impossible.
  • Établissez votre structure juridique à l’étranger - Dubaï, Singapour ou Chypre sont les choix les plus courants.
  • Travaillez avec des comptables spécialisés en cryptos et en fiscalité internationale.
  • Restez informé des développements du projet mBridge - cela pourrait ouvrir de nouvelles voies.
  • Ne sous-estimez pas les risques juridiques - même sans loi spécifique, les autorités peuvent agir sous l’AML.

Les cryptomonnaies sont-elles illégales en Arabie Saoudite ?

Non, les cryptomonnaies ne sont pas illégales pour les particuliers. Mais elles ne sont pas reconnues comme monnaie légale, et les banques saoudiennes sont interdites de les traiter. Vous pouvez les posséder et les échanger, mais pas via les canaux bancaires traditionnels.

Pourquoi les banques ne permettent-elles pas les transactions crypto ?

Les autorités craignent la volatilité, la fraude, le blanchiment d’argent et la perte de contrôle sur le système financier. Elles veulent éviter que les citoyens ne perdent des sommes importantes dans des actifs non régulés. L’interdiction est une mesure de protection, pas une interdiction totale.

Puis-je payer mes impôts avec des cryptomonnaies en Arabie Saoudite ?

Non, les impôts doivent être payés en riyals saoudiens via des canaux bancaires officiels. Même si vous avez des gains en crypto, vous devez les convertir en monnaie locale avant de payer vos taxes. Sans compte bancaire, c’est un défi logistique majeur pour les entreprises.

Le fatwa religieux change-t-il la situation légale ?

Le fatwa rend les cryptomonnaies religieusement acceptables, mais il n’a pas de pouvoir juridique sur les décisions bancaires ou fiscales. Il ne force pas le gouvernement à changer sa politique. Cependant, il pousse la société à réclamer une réforme, ce qui pourrait influencer les futures décisions politiques.

Quelle est la différence entre une CBDC et une cryptomonnaie en Arabie Saoudite ?

Une CBDC, comme le projet mBridge, est une monnaie numérique contrôlée par la banque centrale. Elle est tracée, régulée, et intégrée au système bancaire. Une cryptomonnaie comme le Bitcoin est décentralisée, anonyme, et hors contrôle de l’État. L’Arabie Saoudite veut la première, pas la seconde.

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