En 2017, le Maroc a interdit totalement les cryptomonnaies. Pas de Bitcoin, pas d’Ethereum, pas même un simple transfert P2P. L’argument ? Des violations des lois sur le change étranger. Le gouvernement craignait que les citoyens ne contournent les contrôles de devises, ne fassent sortir des fonds du pays sans autorisation, ou ne financent des activités illégales via des plateformes anonymes. Pendant sept ans, cette interdiction a été stricte, sans exception. Mais en 2025, tout a changé - sans pour autant devenir libre.
De l’interdiction totale à un encadrement très limité
En novembre 2017, Bank Al-Maghrib (BAM), la banque centrale marocaine, a publié un arrêté interdisant toute activité liée aux cryptomonnaies. Le motif était clair : les crypto ne sont pas une monnaie légale, et leur utilisation contrevient aux lois sur le contrôle des changes. Tout transfert d’argent vers une plateforme étrangère pour acheter du Bitcoin était considéré comme une violation du code de la monnaie et du crédit. Les sanctions étaient sévères : amendes de 20 000 à 100 000 MAD (2 000 à 10 000 USD) pour les particuliers, et jusqu’à 500 000 MAD pour les entreprises.
Mais en 2024, un tournant s’est produit. Le gouverneur Abdellatif Jouahri a annoncé la finalisation d’un nouveau cadre légal. Le Maroc ne légalisait pas les cryptomonnaies - il les encadrait. Depuis début 2025, seules les plateformes agréées par Bank Al-Maghrib peuvent opérer légalement. Pas de trading libre. Pas de dépositaires privés. Pas de bourses étrangères accessibles aux Marocains sans autorisation.
Que peut-on faire légalement en 2025 ?
La réponse est simple : très peu. Les Marocains peuvent acheter et vendre des cryptomonnaies, mais uniquement via des plateformes locales licenciées. Ces plateformes doivent appliquer une vérification KYC stricte (connaître votre client), surveiller tous les mouvements de fonds, et signaler toute activité suspecte à l’Autorité de contrôle des changes. Les profits sont imposables : 15 % de taxe sur les gains en capital.
Et pourtant, une règle reste absolue : les cryptomonnaies ne peuvent pas être utilisées pour payer des biens, des services ou des transactions internationales. Si vous êtes une entreprise marocaine et que vous voulez importer des machines de Chine, vous devez passer par une banque traditionnelle. Pas de paiement en Bitcoin, même si votre fournisseur l’accepte. Le système bancaire reste le seul canal autorisé pour les échanges transfrontaliers.
Le mining, toujours interdit - et pourquoi
Le minage de cryptomonnaies est toujours interdit au Maroc, même après la légalisation partielle du trading. Pourquoi ? Parce que le minage est un flux de devises invisible. Les mineurs achètent des machines à l’étranger (en dollars ou en euros), paient leur électricité en dirhams, mais génèrent des actifs qui peuvent être convertis en devises étrangères. C’est un circuit parallèle que le gouvernement ne contrôle pas. Et ça, c’est inacceptable.
Le Maroc n’a pas les ressources énergétiques pour soutenir une industrie de minage à grande échelle. L’électricité est déjà chère et parfois rationnée. Ajouter des fermes de minage massives, qui consomment des dizaines de mégawatts, serait une menace pour la stabilité du réseau. En 2025, les autorités continuent de fermer des opérations clandestines dans les régions du Sud, où l’électricité est moins surveillée. Les sanctions pour minage illégal incluent la confiscation du matériel et des amendes pouvant atteindre 300 000 MAD.
Les sanctions : plus que de l’argent, une menace pénale
Les amendes ne sont pas juste un coût. Elles sont un avertissement. Pour un particulier, une première infraction peut coûter 20 000 MAD. Mais si vous répétez l’opération - même avec une autre plateforme - vous risquez une procédure pénale. Les entreprises, elles, peuvent être mises en faillite. Les plateformes non autorisées qui acceptent des clients marocains voient leurs serveurs bloqués, leurs comptes bancaires gelés, et leurs dirigeants poursuivis.
En 2024, un opérateur de trading P2P basé à Casablanca a été arrêté après avoir facilité plus de 5 millions de dirhams d’échanges non déclarés. Il a été condamné à deux ans de prison avec sursis et une amende de 400 000 MAD. Ce cas n’est pas isolé. Les autorités ont mis en place une unité spéciale au sein de Bank Al-Maghrib pour traquer les violations de change via les cryptos.
Les contours de l’illégalité : OTC et P2P, un terrain miné
Malgré la loi, beaucoup de Marocains continuent d’échanger des cryptos. Comment ? Via des plateformes P2P comme LocalBitcoins, Paxful, ou des groupes Telegram. Ces transactions se font en espèces, par virement bancaire, ou même via des points de vente en magasin. C’est ce qu’on appelle le trading OTC (over-the-counter).
Le problème ? Ces échanges ne sont pas déclarés. Pas de KYC. Pas de traçabilité. Pas de taxe payée. Et pourtant, ils sont illégaux. La banque centrale sait que ces canaux existent. Elle ne les éradique pas complètement - elle les surveille. Si vous utilisez un compte bancaire pour payer un vendeur P2P, et que le montant est anormal, votre compte peut être gelé pour vérification.
En 2025, les banques ont reçu des instructions pour signaler tout transfert vers des plateformes étrangères connues pour héberger des crypto. Même un simple virement de 5 000 MAD vers Binance ou Kraken peut déclencher un rapport d’activité suspecte.
Le e-Dirham : la réponse du gouvernement
Le Maroc ne veut pas rejeter la technologie. Il veut la contrôler. C’est pourquoi Bank Al-Maghrib a lancé le e-Dirham, une monnaie numérique d’État. Ce n’est pas une cryptomonnaie. C’est une version numérique du dirham, pilotée par la banque centrale, avec traçabilité totale, sécurité renforcée, et intégration directe avec les systèmes bancaires.
En 2025, une deuxième phase de test est en cours, en collaboration avec la Banque centrale d’Égypte et la Banque mondiale. L’objectif ? Permettre des transferts transfrontaliers sécurisés entre pays africains, sans passer par les systèmes SWIFT ou les devises étrangères. Si ça marche, le e-Dirham pourrait remplacer les besoins que les gens avaient en cryptomonnaies : des transferts rapides, peu chers, et internationaux - mais sous contrôle étatique.
Le marché, malgré tout, grandit
Malgré les restrictions, le marché des cryptomonnaies au Maroc a atteint 280 millions de dollars en 2025. Comment ? Parce que les gens trouvent des moyens. Beaucoup utilisent des comptes à l’étranger, ou des amis dans l’UE pour acheter des cryptos en leur nom. D’autres investissent via des fonds d’investissement étrangers qui acceptent des clients marocains.
Le volume n’est pas dû à la légalisation. Il est dû à la demande. Les jeunes Marocains veulent participer à l’économie numérique. Ils veulent accéder à des actifs globaux. Le gouvernement ne peut pas les bloquer éternellement. C’est pourquoi la régulation actuelle est une tentative de canaliser cette demande, pas de l’éteindre.
Les risques à ne pas sous-estimer
Si vous pensez que vous pouvez jouer avec la loi en utilisant des VPN, des comptes étrangers ou des cash trades, vous vous trompez. Les banques marocaines collaborent avec les autorités financières internationales. Les transactions suspectes sont partagées via des réseaux comme FATF. Un simple échange P2P peut vous mettre sur une liste noire.
Et si vous êtes un entrepreneur ? Ne pensez pas que vous pouvez intégrer les cryptos dans votre site de e-commerce. Même si votre client paie en Bitcoin, vous êtes en infraction. La loi est claire : les paiements en cryptomonnaies pour des biens et services sont interdits. La seule exception ? Les plateformes licenciées pour le trading, et uniquement pour l’achat/vente de crypto, pas pour des achats réels.
Que faire en 2025 ?
Si vous êtes un particulier : utilisez uniquement les plateformes agréées par Bank Al-Maghrib. Déclarez vos gains. Ne faites pas de minage. Ne transférez pas d’argent vers des bourses étrangères. Si vous avez des cryptos achetées avant 2025, conservez-les - mais ne les dépensez pas pour des achats. Elles sont un actif, pas une monnaie.
Si vous êtes une entreprise : restez dans le système bancaire traditionnel. Ne cherchez pas à contourner les contrôles de change. Le risque n’en vaut pas la peine. Les amendes peuvent ruiner votre activité.
Si vous êtes un investisseur : observez le e-Dirham. C’est là que le futur du paiement numérique au Maroc se construit. Ce n’est pas la révolution que les crypto-enthousiastes attendaient. Mais c’est la seule voie légale et durable.
Est-ce légal d’acheter des cryptomonnaies au Maroc en 2025 ?
Oui, mais uniquement via des plateformes licenciées par Bank Al-Maghrib. Toute transaction sur des bourses étrangères comme Binance ou Kraken est illégale. Les plateformes agréées doivent appliquer le KYC, surveiller les transactions et déclarer les gains imposables.
Puis-je utiliser Bitcoin pour payer un service au Maroc ?
Non. L’utilisation des cryptomonnaies comme moyen de paiement pour des biens ou services est strictement interdite. Toute transaction commerciale impliquant des cryptos est considérée comme une violation des lois sur le change étranger, et peut entraîner des amendes ou des poursuites pénales.
Quelles sont les sanctions pour minage de cryptomonnaies au Maroc ?
Le minage est illégal depuis 2017 et reste interdit en 2025. Les sanctions incluent la confiscation du matériel de minage, des amendes pouvant atteindre 300 000 MAD, et dans les cas répétés, des poursuites pénales. Les autorités ciblent particulièrement les fermes de minage dans les zones rurales où la surveillance énergétique est faible.
Les gains en cryptomonnaies sont-ils imposables au Maroc ?
Oui. Tous les gains provenant de la vente de cryptomonnaies sont soumis à une taxe de 15 % sur les gains en capital. Les plateformes licenciées doivent fournir des relevés annuels aux autorités fiscales. Le non-respect de cette obligation peut entraîner des pénalités supplémentaires.
Le e-Dirham remplacera-t-il les cryptomonnaies au Maroc ?
Il ne les remplace pas, mais il répond à leurs usages principaux : des transferts rapides, sécurisés et transfrontaliers. Le e-Dirham est une monnaie numérique contrôlée par la banque centrale, ce qui permet au Maroc de conserver sa souveraineté monétaire tout en modernisant ses paiements. Pour les utilisateurs, c’est la voie légale et la plus sûre pour accéder à la finance numérique.
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